par Maître Guillaume Choffat, avocat en droit de la famille
Lorsqu’il y a lieu de procéder à l'organisation de la vie séparée et que les époux ont des
enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires d'après les dispositions applicables
en la matière dans le Code civil suisse. La réglementation porte notamment sur la garde de
l'enfant, les relations personnelles, la participation de chaque parent à la prise en charge de
l'enfant et la contribution d'entretien.
Depuis le nouveau droit de l’autorité parentale, entré en vigueur le 1er juillet 2014, la notion de "droit de garde" (Obhutsrecht) - qui se définissait auparavant comme la compétence de
déterminer le lieu de résidence et le mode d'encadrement de l'enfant – a été remplacée par le "droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant" (Recht, den Aufenthaltsort des Kindes zu bestimmen), qui constitue une composante à part entière de l'autorité parentale.
La notion même du droit de garde a été abandonnée au profit de celle du droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant, le générique de "garde" (Obhut) se réduisant désormais à la seule dimension de la "garde de fait" (faktische Obhut), qui se traduit par l'encadrement quotidien de l'enfant et par l'exercice des droits et des devoirs liés aux soins et à l'éducation courante.
Bien que l'autorité parentale conjointe soit désormais la règle et qu'elle comprenne le droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant, elle n'implique pas nécessairement l'instauration d'une garde alternée.
S’il est invité à statuer sur cette question, le juge doit examiner, nonobstant et
indépendamment de l'accord des parents quant à une garde alternée, si celle-ci est possible et compatible avec le bien de l'enfant. Le bien de l'enfant constitue en effet la règle
fondamentale en matière d'attribution des droits parentaux, les intérêts des parents devant être relégués au second plan.
La possibilité concrète d'instaurer une garde alternée et sa compatibilité avec le bien de
l'enfant étant dépendantes des circonstances du cas d'espèce, rien ne saurait être déduit des
diverses études psychologiques ou psychiatriques en la matière se prononçant de manière
absolue en faveur ou en défaveur de l'instauration d'un tel mode de garde, puisque celles-ci ne prennent pas en considération tous les paramètres qui entrent en ligne de compte dans la
pratique.
Le juge doit ainsi évaluer, sur la base de la situation de fait actuelle ainsi que de celle qui
prévalait avant la séparation des parties, si l'instauration d'une garde alternée est effectivement à même de préserver le bien de l'enfant.
Au nombre des critères essentiels pour cet examen, entrent en ligne de compte les capacités éducatives des parents, lesquelles doivent être données chez chacun d'eux pour pouvoir envisager l'instauration d'une garde alternée, ainsi que l'existence d'une bonne capacité et volonté des parents de communiquer et coopérer compte tenu des mesures organisationnelles et de la transmission régulière d'informations que nécessite ce mode de garde.
A cet égard, on ne saurait déduire une incapacité à coopérer entre les parents du seul refus d'instaurer la garde alternée.
En revanche, un conflit marqué et persistant entre les parents portant sur des questions liées à l'enfant laisse présager des difficultés futures de collaboration et aura en principe pour conséquence d'exposer de manière récurrente l'enfant à une situation conflictuelle, ce qui pourrait apparaître contraire à son intérêt.
Il faut également tenir compte de la situation géographique et de la distance séparant les logements des deux parents, de la stabilité qu'apporte à l'enfant le maintien de la situation antérieure, en ce sens notamment qu'une garde alternée sera instaurée plus facilement lorsque les deux parents s'occupaient de l'enfant en alternance déjà avant la séparation, de la possibilité pour les parents de s'occuper personnellement de l'enfant, de l'âge de l’enfant et de son appartenance à une fratrie ou à un cercle social.
Il faut également prendre en considération le souhait de l'enfant s'agissant de sa propre prise en charge, quand bien même il ne disposerait pas de la capacité de discernement à cet égard.
Sur ce point, il appartiendra au juge du fait, qui établit les faits d'office, de déterminer dans quelle mesure l'intervention d'un spécialiste, voire l'établissement d'un rapport d'évaluation
sociale ou d'une expertise, est nécessaire pour interpréter le désir exprimé par l'enfant et
notamment discerner s'il correspond à son désir réel.
Hormis l'existence de capacités éducatives chez les deux parents, qui est une prémisse
nécessaire à l'instauration d'une garde alternée, les autres critères d'appréciation sont
interdépendants et leur importance respective varie en fonction des circonstances du cas
d'espèce. Ainsi, les critères de la stabilité et de la possibilité pour le parent de s'occuper
personnellement de l'enfant auront un rôle prépondérant chez les nourrissons et les enfants en bas âge alors que l'appartenance à un cercle social sera particulièrement importante pour un adolescent. La capacité de collaboration et de communication des parents est, quant à elle, d'autant plus importante lorsque l'enfant concerné est déjà scolarisé ou qu'un certain
éloignement géographique entre les domiciles respectifs des parents nécessite une plus grande organisation.
Si le juge arrive à la conclusion qu'une garde alternée n'est pas dans l'intérêt de l'enfant, il
devra alors déterminer auquel des deux parents il attribue la garde en tenant compte, pour
l'essentiel, des mêmes critères d'évaluation et en appréciant, en sus, la capacité de chaque parent à favoriser les contacts entre l'enfant et l'autre parent.
Pour apprécier ces critères, le juge dispose encore d'un large pouvoir d'appréciation.
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